Vraiment pas le prénom de l’emploi – DéKaPé Copywriting

Vraiment pas le prénom de l’emploi

En juin 2016, ma fille aînée m’a demandé de relire son CV. Le même jour, je lisais cet article (voir infra) sur un homme qui avait enfin trouvé du travail à Bruxelles après avoir changé de prénom. Et puis je me suis souvenu de mon pote au prénom dérangeant dans les années 80. Pas vraiment le prénom de l’emploi à l’époque.

Un CV, le sésame pour un premier job ou un nouveau… Avec une belle lettre de motivation aussi bien sûr.

Flagrant délit

Nous sommes en 1990. Je travaille depuis quelques mois chez un courtier en assurances, Place Stéphanie. Je n’ai pas eu de mal à trouver du travail puisque les deux graduats que j’ai obtenus validaient le poste de gestionnaire assurances / comptable.

Un matin, je me retrouve sur la place Louise, attendant mon tram. À peu près au même endroit où Stromae avait fait son show, soi-disant bourré.

Je patiente, donc. Une camionnette blanche au logo d’une société de livraison vient à ma hauteur. Son chauffeur me dévisage. Il me reconnait, je le reconnais.

– Hey Schoep, comment tu vas  ?

– Euh, je vais bien et toi  ?

Ça va, ça va…

– Qu’est-ce que tu fais dans cette camionnette  ?

– Ben, je livre des parfums, tiens !

– Tu bosses pas dans les assurances ?

– Schoep, tu sais bien comment je m’appelle !

Puis la circulation se dégage, il me salue et s’en va. Je ne le retrouverai plus jamais.

L'ex-Institut Cooremans au fond. Pour certains, le feu rouge à la sortie...
L’ex-Institut Cooremans au fond. Pour certains, le feu rouge à la sortie.

Discrimination à l’embauche

Nous sommes donc au début des 90. Le marché des assurances recrute. Les compagnies se comptent par dizaines et les fusions n’ont pas encore vraiment commencé.

Comment se fait-il que mon pote, si brillant (surtout en mathématiques financières), sorti parmi les premiers de sa promotion en… 1986, se retrouve à livrer des parfums quatre ans plus tard ?

L’Institut Cooremans qui nous a formés tous les deux était réputé à l’époque et il l’est encore, sous un autre nom.

Des milliers d’étudiants sont sortis avec un diplôme, en cours du jour, du soir ou les deux à la fois. Les professeurs de mon époque venaient pour la plupart du monde de l’entreprise.

Ils connaissaient leur matière, nous l’enseignaient avec un regard appuyé vers la pratique du terrain. Nous avions des avocats, des juristes, même le directeur d’une compagnie d’assurances, qui a un jour dit à un des mes potes, Daniel, germanophone : “Tu réussis, je t’engage dans mon entreprise.” Ce qu’il fit.

Le plein emploi assuré donc. Mais Daniel était belgo-belge, lui.

BBB

Non je ne passe pas du coq au boeuf, mais cet acronyme fait bien référence au marché de l’emploi bruxellois. La société d’intérim Adecco a ainsi été condamnée en 2015 pour avoir établi des listes séparées pour les Belges et pour les étrangers. BBB voulant dire “Blanc-Bleu-Belge”.

Les faits remontent en 2001, soit une grosse dizaine d’années après avoir revu mon pote livreur.

Manifestement, à diplôme égal, certains candidats sont refusés avant même d’avoir pu passer la moindre interview.

CV anonyme

Moi, je trouvais l’idée du CV anonyme intéressante. Il semble qu’en France, la mayonnaise n’a pas pris, contrairement à d’autres pays européens. C’eût pourtant été la solution idéale pour mon pote, de prouver ses qualités et son diplôme sans partir perdant.

Bien sûr, le candidat allochtone qui passe le premier cap peut tout à fait se faire rejeter par la suite si le recruteur pratique la discrimination.

Je ne peux parler pour tous les secteurs mais, en tout cas, le secteur des assurances accueille toutes les populations, j’en suis témoin.

Dommage que tu sois né trente ans trop tôt, Mohammed.

Pour aller plus loin

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4 thoughts on “Vraiment pas le prénom de l’emploi

  1. C’est dingue… mais une réalité aussi en France, avec ou sans CV anonyme. Et quand bien même ces personnes “qui n’ont pas le nom, le prénom, l’adresse, la religion ou le physique de l’emploi” (parce qu’il y a plein de raisons absolument non valables au non recrutement), elles se retrouvent discriminées ensuite par leurs collègues.
    J’ai entendu par exemple “avec un prénom comme Kevin, il restera commercial sédentaire, on ne peut pas le faire rencontrer des clients”, “elle ne restera pas, c’est le genre qui aime trop le fric, tu comprends sa relig…” (je n’ai pas laissé finir mon interlocuteur), ou encore “toi qui viens des cités (à une Sénégalaise ayant grandi dans les quartiers aisés de Dakar), tu penses que les choses empirent ou s’améliorent ?”. Parfois, ce n’est même pas méchant… de la bêtise ordinaire, pourrait-on dire, mais ça pourrit réellement la vie des personnes concernées.

    1. Merci pour ton témoignage Isabelle. Je n’ai fait qu’évoquer un souvenir personnel lointain, mais il va réveiller bien d’autres (mauvaises) expériences en effet. Et espérons-le, déclencher à son petit niveau une prise de conscience.

  2. Très chouette article, c’est un sujet tabou, donc les articles sont rares. C’est chouette d’avoir le point de vue de quelqu’un qui n’est pas directement concerné par la discrimination. Pour ma part, bien que les choses aient évoluées en 30 ans, je remarque qu’il est toujours aussi difficile d’obtenir un entretien dans les agences intérim… Elles sont souvent bien plus discriminatrices que les employeurs… Et comme le souligne Isabelle, une fois passé la discrimination à l’embauche, il faut affronter l’ignorance et la bêtise des collègues… Pas facile d’être une jeune femme noire ambitieuse dans un monde macho qui, s’il n’est pas raciste, est ignorant. Bref, même si je suis de nature positive, je pense que ces injustices ne finiront jamais… A nous (vous, moi et les autres personnes qui croient en faculté de chacun d’apporter du positif dans une société) de persévérer 🙂
    Bonne semaine,
    Mélissa

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